Flâner au ryhtme du poète. -Prince des vers sans rimes, roi des scénarii et des dialogues, libertaire anti-religion, Jacques Prévert est mort il y a 40 ans. Sans disparaître vraiment. Car, là où il a passé les dernières années de sa vie, dans le Cotentin, il reste bien présent. Dans ce cap Cotentin, un peu hors du temps.
1 – La maison, que les Prévert avaient achetée à Omontville-la-Petite en 1970, a été donnée au Conseil départemental de la Manche. Elle se visite. Les chambres d’amis, le séjour, la cuisine, la chambre du couple : partout des photos, des collages – une des activités préférées de l’artiste qui disait : « Avec les collages, je rem

ets les choses à leur place »-. Et surtout la grande pièce de l’étage, l’atelier où Jacques Prévert écrivait et collait. Il y avait une grande table. Elle n’est plus là. La famille du poète l’a récupérée. Sa petite-fille n’a pas apprécié la statue en bronze de Jacques Prévert et de son ami le décorateur Alexandre Traumer, posée au milieu d’un petit jardin communal. Elle a voulu la faire retirer, en vain. Donc elle a repris les meubles de famille qui restaient dans la maison. « Mais cette grande table va être remplacée » a confirmé la guide Nathalie.
L’artiste était venu dans le Cotentin dans les années 30, en repérage pour des films, puis dans les années 60. Avec la maison, décorée par Alexandre Traumer, l’idée était de passer le printemps et l’été dans le Cotentin, notamment pour aller pêcher. Il fallait compter 4 heures de voiture de Paris ; et l’hiver dans la capitale. Puis il s’était installé ici dans les années 75.
2- Gunnera.- Cette plante originaire d’Amérique du Sud s’est bien acclimaté dans le Cotentin. Jacques Prévert l’appréciait beaucoup. Il lui faut de l’humidité, les pieds dans l’eau, et un climat sans gelée. Elle donne des immenses feuilles, des tiges piquantes. Et elle ne sert à rien ; elle n’est pas comestible. Pour nous. « Des ouvriers chiliens soudeurs qui travaillaient à Flamanville ont sauté de joie en voyant ceux du jardin, raconte Cléophée de Turkeim (Jardin botanique de Vauville). Ils me l’ont fait gouter. Bon. On dirait une pomme très acide ».

3 – Un cimetière, un frotteux. Enterré dans le cimetière du village, l’artiste dispose d’un frotteux comme stèle sur sa tombe ainsi que son épouse Janine et sa fille Michèle. C’est une grosse pierre rectangulaire plantée dans les prés sur laquelle les vaches venaient se gratter le dos. Car les arbres sont plutôt rares ici. Ils ont un deuxième nom : gratteux.
4 – Un ami, un jardin. Gérard Fusberti tient un jardin un peu merveilleux. « J’avais fait acheter ce terrain par mes parents, pour retaper les deux moulins qui se trouvent dessus. Mais cela ne s’est jamais réalisé ». Alors l’endroit est devenu le jardin des amis artistes de Jacques Prévert, aménagé avec le soutien de sa femme Janine et de sa fille Michèle. « Il y a des arbres, des arbustes, des fleurs plantés par Juliette Gréco, Yves Montant, Jacqueline Picasso….. Etc. » Le site se visite, chacun à son rythme. Il y a des poèmes par ci, par-là, une fraîcheur apaisante.
http://www.conservatoire-jardins-paysages.com/
5 – Un ami, un jardin/2. « Je ne sais pas ce qu’ils pouvaient se raconter. D’un côté mon beau-père, catholique, royaliste ; de l’autre le libertaire, anticléricale ». Pour Cléophée de Turkein, la question restera éternellement sans réponse. Elle veille sur le Jardin botanique de Vauville….. lancé

justement par son beau-père, créateurs de parfum, que Jacques Prévert venait voir très régulièrement pour se balader dans le jardin. Il a été ensuite repris par son mari, malheureusement décédé. Ici sont accumulés des arbres, plantes exotiques, tous venus de l’autre hémisphère, Japon, Asie, Australie. Tout est un peu en désordre. Volontairement. « On laisse faire la nature. Le premier problème, c’est de protéger les plantations contre les vents d’ouest, chargés d’embrun et de sel. Donc on fait des écrans avec des bambous, du lin de Nouvelle-Zélande, puis on peut penser à planter. » Il y a 4 hectares à explorer. Et comme raconte Cléophée de Turkeim, grande sœur de Charlotte de Turkeim. « Quand on me demande si on est de la même famille, je réponds : oui, c’est ma mère. Ca la fait enrager » sourit-elle.
http://jardin-vauville.fr/
6 – Les rouliers. La Manche est un passage maritime à haut risque. Un goulet d’étranglement entre l’Atlantique et la mer du Nord. Alors les énormes cargos chinois, avec leurs chargement de voitures, viennent à Cherbourg embarquer un pilote pour conduire le navire en toute sécurité jusqu’à Rotterdam.
7 – Pour les gourmands. Il y a les pêcheurs non professionnels qui sortent avec leur petit bateau. Ils ont droit à deux casiers et quelques mètres de filets pour attraper bars, lieux jaunes, julienne, crabes, araignées et homards. On trouve aussi des huitres (de Saint-Vaast), du cidre, du lait et de la crème, de l’agneau.
8 – Iles anglo-normandes. Elles sont là, à quelques kilomètres – 12 pour l’île anglaise la plus proche. Avec son corolaire : la contrebande. Il en reste des sentiers le long de la côte, au sommet des falaises. Autant de zones de randonnées maintenant. Et toutes les histoires ou légendes qui vont avec : les grottes utilisées pour se cacher, battues par les flots avec le risque de la marée montante ; les mystérieux et inexpliqués agrandissements de maison dans les villages, etc. Et l’influence saxonne ! Les téléphones portables se mettent à l’heure anglaise avec le roaming associé. Attention à la note.
9 – Brexit et contrebande. La question qui se

pose désormais : le Brexit verra-t-il le retour des contrebandiers ? D’ailleurs ont-ils totalement disparu ? « Les douaniers patrouillent toujours et nous posent des questions, régulièrement. Savoir si on a vu des mouvements de bateaux étranges » raconte un ingénieur retraité de chez Areva qui officie comme guide bénévole pour diriger les touristes le longs des côtes.
www.manchetourisme.com/la-hague-cotentin#!
10 – Ah oui, c’est vrai. Et le nucléaire ? Et bien il s’oublie facilement, même si l’usine Areva de La Hague et la centrale de Flamanville sont bien là, indiqués sur les panneaux routiers. « Au lancement, on avait expliqué aux habitants qu’il s’agissait d’une usine de casseroles » se souvient le retraité-guide. Et Cherbourg reste plus marquée par les parapluies. Le film a donné naissance à une fabrique de parapluies. Du français haut de gamme, fait main, inretournable sous les bourrasques de vent (le Véritable Cherbourg, entre 89 et 290 € . www.parapluiedecherbourg.com)











